Enquête : Ces concessionnaires qui font bouger l'enduro en France !

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Depuis plusieurs saisons, l'enduro tricolore de haut niveau est presque totalement soutenu par une poignée de concessionnaires motos qui portent les pilotes à bout de bras. Tout comme une grosse partie du marché national. Pourquoi ? Comment ? Y a-t-il péril en la demeure ? On vous explique tout… ou presque.

[caption id="attachment_670279" align="alignnone" width="1200"] La structure GP Motors-Beta en France © MV[/caption]

« Je me souviens avoir été validé à l'époque par Husqvarna, raconte Sébastien Dupontroué, boss d'Atomic Moto. Les marques avaient droit à une structure satellite dans le paddock A et on a été parmi les premiers à arriver avec Nico Deparrois et trois autres pilotes en 2015. Jean-Luc Miroir se faisait du souci, il m'avait demandé d'arriver avec une structure correcte, pas juste trois tentes 24MX. » (rires) L'anecdote peut faire sourire quand on regarde de nos jours le paddock A, celui des Élites en championnat de France d'enduro. À part l'équipe Sherco factory, celle de la Sherco Academy (soutenue par le distributeur français de la marque), une structure TM-Euroboost pour Léo Le Quéré, une structure légère Rieju pour Loïc Larrieu et l'équipe Dafy Moto (un distributeur d'équipements) plus le team du MC Lozérien, le paddock A du championnat de France d'enduro n'est plus occupé que par des structures de concessionnaires. Des teams plus ou moins importants qui font rouler de nombreux pilotes au meilleur niveau et non des moindres.

[caption id="attachment_670281" align="alignnone" width="1140"] Chez Fantic-Bonneton 2 Roues, on reçoit de nombreux pilotes, soit aidés, soit payants. © MV[/caption]

Ainsi Théo Espinasse, champion de France E2 et scratch officieux l'an dernier, roule pour l'équipe Oxmoto-Beta qui emploie également Antoine Alix et Léo Joyon, champions du monde par équipe. Mais aussi Hugo Blanjoue (champion E2 2022) qui est passé d'Élite Moto (KTM) à Élite Factory (Honda) cette saison. On compte également l'équipe Atomic Moto-Beta et Husqvarna (avec Mathys Boisramé, Antoine Basset, les frères Clauzier, Justine Martel et Élodie Chaplot), B2R-Bonneton et ses pilotes Fantic, DSN Moto et ses Kawasaki avec en tête de pont le Junior Killian Lunier. Ou encore GP Motors-Beta, LM Sens- HVA, Ambiance Moto-Beta… etc. Sans oublier les « disparus », Rider Camp- Charbonnel Moto ou LM Racing du regretté Ludovic Pierre. « L'idée m'est venue parce qu'en 2014, je m'étais rendu sur le championnat et j'avais vu une dizaine de pilotes Nationaux qui roulaient dans la structure B2R, poursuit Séb' Dupontroué. Je m'étais dit : on ne voit qu'eux ! Tout est parti de là… » De son côté, Éric Bonneton, le boss de B2R, raconte avoir été inspiré par la structure de Damien Riou, l'ancien pilote de l'EEAT qui avait fondé l'Enduro Academy avec l'appui du concessionnaire ardéchois Moto 7. L'idée lui avait plu et il l'avait appliquée avec quelques pilotes Nationaux dans le paddock B dès 2014. « C'était d'abord pour partager les frais de déplacements, il n'y avait pas de vision marketing au départ », raconte Éric.

[caption id="attachment_670296" align="alignnone" width="1123"] Les équipiers de chez Oxmoto, Antoine Alix, Théo Espinasse et Léo Joyon. Tous les trois sont au meilleur niveau en France comme en Mondial. © MV[/caption]

Une autre époque

Les choses ont changé. La taille de l'investissement aussi et les résultats aidants, certains ont déployé en quelques années de belles structures aussi pros que visuellement attrayantes. Des camions, des semi-remorques, une surface visuelle impressionnante pour de « simples » concessionnaires. Mais on le sait bien, « size matters » comme disent les anglophones : la taille compte ! Pas seulement pour en jeter plein les yeux mais également accueillir confortablement parfois quatre, six ou huit - pilotes comme dans certaines structures. Certains ont une assistance payante, quasi pro et qui s'adresse à des pilotes en devenir souhaitant rouler dans les meilleures conditions possible (B2R, Ambiance ou désormais Oxmoto dans le paddock B).

[caption id="attachment_670294" align="alignnone" width="1170"] Chez Atomic Moto- Beta, on compte de nombreux top guns tels Antoine Basset et les frères Clauzier. © MV[/caption]

Les autres font ça à des fins marketing, à savoir avec une vraie visibilité procurée par l'installation dans le paddock A (3 800 euros pour un team à l'année), renforcée par des vidéos spécifiques produites par le promoteur du championnat Jean-Luc Miroir et bien sûr les résultats de leurs pilotes en course. « Ça m'a fait connaître dans plein d'endroits où je n'étais pas connu », explique Jacques Delbert d'Élite Moto. Avec un championnat qui se déploie vraiment tous azimuts, de la Bretagne aux Ardennes, du Pays Basque à la Provence et pas seulement dans le Massif Central, l'investissement est payant. « Si tu vends bien à une personne d'un moto-club, qu'il est bien servi, il y a des chances que certains de ses amis suivent », continue Jacques. Alors certains déplorent le départ des équipes dites « officielles » face à ces structures privées mettant en valeur un simple magasin. Avec moins de ressources. De pilotes de renoms et de résultats qui rejaillissaient sur le championnat du monde.

[caption id="attachment_670286" align="alignnone" width="1200"] Kawasaki est revenu en enduro au travers de la structure DSN Motos et ses trois pilotes dont Killian Lunier, en tête du championnat d'Europe et bien placé en championnat de France. © MV[/caption]

Le sempiternel « C'était mieux avant ! ». On a posé quelques questions à Éric Bernard, lui qui faisait rouler il y a encore quelques années les top guns que l'on sait. Réponses : « C'était une autre époque, explique Éric Bernard, responsable sportif auprès de KTM France. Mais désormais le groupe KTM se déploie dans d'autres secteurs comme le motocross, le cross-country, le trial, la route, le trail. On est également sur les événements de masse habituels et il y en a beaucoup. Désormais, on aide des pilotes au travers de structures existantes. Avec le team Dafy pour KTM ou le team Atomic Moto pour Husqvarna ainsi que des juniors sur GasGas via le concessionnaire Centrac Motos. On ne fait pas marche arrière, au contraire, on va intensifier notre présence. » Expliquant qu'aucun concessionnaire n'est « forcé » à reprendre le flambeau, mais est plutôt demandeur de la formule.

[caption id="attachment_670295" align="alignnone" width="1200"] Un « transfuge » passé du stand Atomic au stand Oxmoto, mais toujours sur Beta, le jeune Léo Joyon. © MV[/caption]

Est-ce négatif pour les pilotes qui veulent aller en EnduroGP ? « Pas forcément, certains teams ont une aide de la fédération parce qu'ils vont en championnat d'Europe ou du monde », répond l'intéressé. Éric Bernard n'a plus la structure des années 2010, celle qui encadrait les champions du monde, de Johnny Aubert à Mathias Bellino, Antoine Méo, Christophe Nambotin ou Pela Renet, mais continue d'oeuvrer aux côtés de Mathys Boisramé qui fait les championnats de France Élite MX et enduro cette saison. Il se voit accueilli chez Atomic Moto avec son propre mécano. « Il voudra certainement faire du Mondial un jour et il va rouler sur deux GP cette saison. Mais après, c'est une autre question… » Voit-il le niveau du championnat de France moins élevé à cause de cette situation ? « Il n'y a pas trop de super résultats en Mondial, c'est vrai, mais le championnat de France fait le plein, ça roule vite, il reste super intéressant. »

[caption id="attachment_670288" align="alignnone" width="1140"] Six pilotes chez Ambiance Moto, concessionnaire auvergnat bien connu dans la région et désormais un peu partout en France. © MV[/caption]

« On aimerait bien un peu plus de soutien de la part des marques », rétorque de son côté Éric Bonneton. Qui s'explique : « Le marché français de l'enduro s'est maintenu ces dernières années. Ils devraient nous aider plus. Mais j'avoue qu'on est à notre place. Ça ne me choque pas que ce soit des concessionnaires qui soient sur le terrain comme on le fait. » Sousentendu, ça nous permet d'être au contact de la clientèle. « Les marques se seraient désengagées de toute façon », pense de son côté Sébastien Dupontroué d'Atomic Moto qui avoue déployer beaucoup d'énergie à maintenir sa structure à ce niveau, avec des coûts parfois mirobolants malgré les aides qu'obtiennent les pilotes qui font l'Europe ou le Mondial.

[caption id="attachment_670289" align="alignnone" width="1110"] Pas toujours utile d'avoir un gros camion, mais de beaux auvents bien floqués donnent une certaine allure à la structure qui vise le paddock A © MV[/caption]

Pas de guéguerre

« De toute façon, presque tous les teams du paddock A vivent parce qu'ils font du business derrière, explique Antoine Rigaudeau. L'un fait vivre l'autre. Sans business, pas de teams. Les marques ont besoin de nous comme on a besoin d'eux ! » Et le boss d'Oxmoto de reconnaître : « Oui, la compétition a un vrai impact sur le site internet oxmoto.fr et sur la vente de pièces détachées. » Sans oublier de préciser qu'Oxmoto est 100 % tout-terrain et n'a pas le marché de la routière ou du scooter pour compenser les années difficiles. « L'enduro est moins porteur en termes de marché qu'à une certaine époque et en tout cas pour certaines marques, affirme de son côté Jacques Delbert d'Élite Moto, concessionnaire tout-terrain et routières multimarques. Ils se sont désengagés, sauf les Japonais qui ont envie de revenir comme Honda et Kawasaki. Ça booste un peu tout ça. Heureusement car on voit moins de motos autrichiennes par exemple, autant en Mondial qu'en France. » Évidemment, on imagine que tous ces concessionnaires aux fortes retombées nationales doivent se livrer une guerre commerciale sans merci.

[caption id="attachment_670290" align="alignnone" width="1200"] Hugo Blanjoue roule désormais chez Élite Factory-Honda après avoir roulé chez Élite Moto-KTM, les deux structures cohabitant au sein du paddock A de l'enduro français. © MV[/caption]

Est-ce une compétition sans foi ni loi et pas seulement entre les cellules ? « Il n'y a pas de guéguerre entre nous, lâche Jacques Delbert. Je le redoutais et en fait, on s'entend bien entre concessionnaires. Il y a zéro embrouille, je peux traverser le paddock et serrer la main de tout le monde. C'est carrément positif pour l'ambiance du championnat. On sait tous qu'on y laisse de l'argent et du temps, mais on a la même passion. » Et d'expliquer que lors de la finale du France 2023 à Réquista, il est allé féliciter le champion Théo Espinasse de son concurrent Oxmoto alors qu'Antoine Rigaudeau est de son côté venu prendre des nouvelles de Hugo Blanjoue, blessé en milieu de journée alors qu'il jouait le titre contre Théo. Le fair-play semble régner entre les banderoles, teams privés, concessionnaires, distributeurs et équipes de marque inclus. D'ailleurs, le phénomène déborde également en Enduro Kid, devenu l'antichambre du France. « Aujourd'hui, il y a des concessionnaires et des écoles de moto qui investissent dans l'Enduro Kid, conclut Jean-Luc Miroir. Ce qui contribue à leur renommée également et leur offre une vraie continuité avec le championnat adultes. » Que le meilleur gagne !

[caption id="attachment_670292" align="alignnone" width="750"] une petite partie du team Atomic (Beta et Husqvarna).[/caption]

MINIVIEW

Antoine Rigaudeau (Oxmoto)

Pourquoi avoir investi et investir toujours dans un ou plusieurs teams en championnat de France ?

« On a commencé réellement en 2020 en prenant Charlier et sur une année amputée à cause du covid. En 2021, on a vraiment attaqué fort en achetant une semi-remorque, ce qui donne une super image. Heureusement, c'est mon père qui la conduit et qui fait l'intendance et la cuisine, sinon ça coûterait cher. Mais les trois mécanos sont salariés, plus un jeune en apprentissage qui vient de l'école de la compétition de Nogaro. Si on fait tout ça en enduro, comme en MX, c'est pour donner une vitrine au magasin. On vend des motos dans toute la France, voire en Europe grâce à ça. On a un site internet aussi. Et ça montre à nos clients qu'on est un magasin dynamique. »

Le jeu en vaut-il la chandelle ?

« C'est difficilement mesurable. On ne sait pas si nos clients nous ont vus grâce à la compétition ou dans la presse ou sur des vidéos… On fait pas mal de travail marketing grâce au web et ça paie aussi. Mais oui, je pense qu'en enduro aujourd'hui, des gens pensent à Oxmoto quand ils pensent à Beta. Si sur Google tu tapes pièces Beta, pièces Boano, pièces Beta factory, tu vois sortir Oxmoto. Dans l'Ouest de la France où est implanté le magasin, l'enduro est très peu présent. Du coup d'aller sur le France nous permet de trouver une clientèle ailleurs. Ça commence à avoir l'effet escompté. »

Combien cela coûte-t-il ?

« Heureusement qu'on a des partenaires qui nous aident. Beta, Kenny, Airoh, Minerva sont des partenaires financiers qui nous donnent de l'argent et du matériel. Leur importance est primordiale. Si je ne compte que le championnat de France, soit cinq épreuves plus deux classiques, ça va. Mais tu ajoutes le Mondial et les ISDE. J'ai eu six motos bloquées presque six mois depuis les ISDE en Argentine avant qu'elles reviennent et qu'on puisse les revendre après remise en état. Tu vois le budget ? Sans Beta Italie, c'est impossible. Ça coûte une demi-couille ! Le budget du programme sportif France-Mondial, c'est 250 000 euros. Beta donne un très gros coup de main cette année, Oxmoto met la main à la pâte et puis nos partenaires apportent le reste, Bihr, Michelin, Airoh, Minerva. De ma poche, c'est 50 000 euros minimum. Je donne un salaire à Léo Joyon et Antoine Alix, Théo Espinasse est payé à 80 % par l'usine. En gros, nos pilotes sont payés, ils gagnent bien quand ils roulent bien et très bien s'ils sont champions ou vice-champions… »

 

Sébastien Dupontroué (Atomic Moto)

Pourquoi avoir investi et investir toujours dans un ou plusieurs teams en championnat de France ?

« L'idée c'était de se faire connaître partout. J'avais dans l'idée qu'il était plus simple pour des gens de venir acheter des motos neuves ou d'occasion dans un magasin qui a une image un peu plus française, nationale. Il y avait deux solutions, soit j'achetais des pages de pub dans ton journal, soit j'allais sur le terrain et c'est ce que j'ai fait parce que ça correspondait plus à ma façon de faire, celle d'être impliqué. »

Combien cela coûte-t-il ?

« Je préfère ne pas le dire. Et les chiffres sortis de leur contexte peuvent faire peur nous faire passer pour des fous. Un team comme le nôtre, rien qu'en termes de motos, c'est plus de vingt motos à revendre en fin d'année… Entre autres centaines de dépenses. Eh oui, ça peut parfois paraître irrationnel, mais c'est le côté passionnel qui agit. On est sur tous les championnats Élite hormis le motocross. Enduro, crosscountry, Enduro Kid, championnat d'Europe et EnduroGP… Heureusement, on n'est pas seuls et on a des partenaires comme Bihr, Moraco, Acerbis, First, Scorpion qui nous sont fidèles. Et il y a beaucoup de monde qui nous aide en termes de temps et d'énergie. Sans oublier que pour tout ce qui est international on a une aide de la part de la fédération française de moto. Mais sur le France, c'est nous à 100 %. Nos pilotes ne sont pas rémunérés, ils ont des primes par la marque. »

Le jeu en vaut-il la chandelle ?

« C'est un vrai projet d'entreprise. Il y a dix ans, j'ai agrandi mon magasin et l'année suivante, j'étais dans le paddock A. Cinq ans après je faisais un nouvel agrandissement et j'avais triplé mon chiffre d'affaires. On est passé de 5 à 18 personnes dans l'entreprise. Où que tu sois en France, dans le milieu de l'enduro, tout le monde nous connaît désormais. Ça nous donne un volume d'affaires dans des régions où il n'y a plus de tout-terrain. »

 

Jacques Delbert (Élite Moto/Élite Factory)

Pourquoi avoir investi et investir toujours dans un ou plusieurs teams en championnat de France ?

« Je suis dans le paddock A depuis 2018. La première raison, c'est la passion. Et puis le haut niveau attire M. Tout le monde, ça attire la clientèle. Certains constructeurs l'ont bien compris, le client ne veut pas une moto low cost mais une moto de compétiteur. Je veux que les gens m'identifient comme étant un compétiteur, qui fait également du développement de motos en course, du haut de gamme. Je suis un compétiteur, je ne suis pas là pour regarder le train passer, faut que je le conduise ! »

Le jeu en vaut-il la chandelle ?

« Oui, parce que ça m'a fait connaître dans plein d'endroits où je n'étais pas connu. Le championnat de France porte bien son nom : on va partout en France et donc plein de départements où Élite Moto n'est pas connu. Et si tu vends bien à une personne d'un moto-club, qu'il est bien servi, il y a des chances que certains de ses amis suivent. Il y a une différence dans mon business entre avant et après ma présence à ce niveau de compétition. »

Est-ce que ça coûte cher ?

« Je ne vais pas parler d'argent mais de temps. Et le temps, c'est aussi de l'argent… Entre les pilotes, les bénévoles, les mécanos, entre 18 et 20 personnes se déplacent les week-ends de courses. Huit pilotes chez Élite Moto-KTM, deux chez Élite Factory-Honda, avec leurs assistants, ça va vite. Je ne prends pas de droits d'entrée dans mes teams. Il y a des aides des marques et des partenaires. C'est moi qui choisis mes pilotes et on forme une famille. Je n'ai pas envie d'avoir quelqu'un avec qui ça ne colle pas uniquement parce qu'il a payé sa place. C'est pas non plus le plus rapide qui vient chez moi. Je préfère un pilote qui finit 3e mais qui est sympa et agréable qu'un champion tête de con ! Le premier fera nettement plus vendre que le second, c'est la réalité (rires). Mes pilotes de pointe sont rémunérés, les marques apportent le matériel, m'aident à financer les mécanos. »

 

L'oeil de :

Jean-Luc Miroir (Promoteur championnat de France d'enduro)

« Il y avait déjà des marques qui sous-traitaient avec des teams privés avant l'arrivée des concessionnaires. Mais quand certaines marques ont arrêté le Mondial, elles ont également baissé leur engagement en France. Mais subsistent encore les équipes officielles Sherco et Sherco Academy, Rieju ainsi que le retour de TM. Il y a également un team pro comme Dafy-KTM largement aidé par KTM France. Et puis Oxmoto, Atomic et GP Motors sont aidés par Beta Italie. Honda aide beaucoup Élite Factory, Fantic aide B2R. Husqvarna aide Boisramé. Et puis tu as une structure comme le MC Lozérien, supporté par Sherco, qui fait rouler pas mal de pilotes. En tout il y a seize équipes dans le paddock A cette saison. Évidemment, ça peut paraître moins brillant qu'à une époque où on avait des champions du monde soutenus officiellement par de grandes équipes. Les temps ont changé, les marques investissent dans d'autres disciplines. Investissent différemment. »

Les critiques disent que le niveau français n'est ainsi plus le même, qu'il a baissé. Qu'en penses-tu ?

« Comme je t'ai dit, dans les années 2010 il y avait beaucoup d'argent dans l'enduro avec l'arrivée de BMW, Aprilia… etc. Et on avait les top mondiaux qui étaient Français. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Les Français ne sont pas les meilleurs mondiaux, ce sont les Anglais à part Garcia et Verona. Les teams français font tout ce qu'ils peuvent pour aider leurs pilotes à progresser en Mondial, la fédération aussi. Mais c'est ainsi. »

Cela a-t-il impacté l'intérêt sur le championnat de France en termes de public et de fréquentation ?

« Avant Covid, sur un championnat qui ressemblait en répartition à celui de 2023, on a le même nombre de pilotes, 343 pilotes en moyenne. Après 2020, il y a eu des participations exceptionnelles car il manquait des épreuves. Là on en est à 220 pilotes engagés toute la saison sur toutes les épreuves. 368 sur la première à Rocroi. Et plus de 300 sur les autres alors que ce n'est pas encore rempli. Quand on est excentré comme au Pays Basque ou en Bretagne, on tourne à 320 pilotes mais sur le Massif Central on est à 350 minimum, ce qui est plus qu'honorable. Cela se reflète sur le public qui est plus nombreux là où l'enduro est connu. »

TÉMOIGNAGES 

Éric Bonneton - B2R

« Au départ, je n'y allais absolument pas pour en tirer quelque chose en termes de notoriété ou de business. Je faisais le championnat en tant que pilote depuis 2004 en 50 cm3. J'aimais ça et je me suis dit que c'était une bonne façon de revenir sur la course parce que je n'avais plus le temps d'y aller. Je pensais que c'était bien de mutualiser des coûts pour aider des pilotes. On était dans le team B en 2014. J'ai rapidement fait des sélections avec une vingtaine de pilotes et dans la bande Charly Saroul a décroché le titre de champion de France National sur une YZ 125 homologuée. C'est parti comme ça. Puis Julien Gauthier m'a appelé dans l'hiver pour rouler avec nous sur sa Yamaha et il est devenu notre parrain. Ce qui nous a donné de la notoriété au fil des années. On vendait quatre ou cinq WR-F il y a dix ans, maintenant, on en vend une soixantaine… Ça nous a apporté de la notoriété, amené des clients qui ne nous achètent pas que des motos d'enduro mais aussi des scooters, des routières… etc. On vend bien au-delà de Privas et du département de l'Ardèche.»

« C'était un investissement passion, je me disais que c'était bien pour la concession, mais je ne pensais pas que ça amènerait autant. Ça coûte cher la compétition. Surtout quand après le championnat de France, tes pilotes vont sur l'Europe puis le Mondial. Pour 2024, il n'y aura plus de B2R-Yamaha, mais seulement B2R-Fantic. Je n'en suis plus le manager, j'ai délégué, mais on garde de nombreux partenaires comme Fantic, Shot… etc. On a moins de pilotes prestigieux comme Albepart, Gauthier ou Boucardey. Maintenant, ce sont des jeunes comme Enzo Marchal, Dorian Simon, Mattéo Arieta, Mel Mazaudier, Joris Garcia et Corentin Poutignat. On fait trois types de contrats, bronze, argent et or. Suivant le contrat, les conditions sont plus ou moins élevées. À savoir les deux pilotes en or ne paient rien pour leur saison. Les autres ont des avantages. Et le contrat or devient leur objectif pour la saison suivante. Nico Deparrois est coach, fait de nombreux stages et sera présent sur les épreuves. Il y a deux mécanos et pas mal d'assistants bénévoles, logés et nourris. Une dizaine de personnes en tout. Le but, c'est qu'on passe de bons moments. Le soir on boit un canon, on essaie de pas se prendre la tête tout en faisant les choses bien. »

Théo Espinasse - pilote Oxmoto-Beta

Tu as été pilote officiel chez Sherco puis Honda Red Moto, tu es depuis deux ans dans une équipe de concessionnaire. Qu'est-ce que ça a changé pour toi ?

« Je ne trouve pas que ça change énormément. Un team officiel a plus de moyens, sur la logistique ou le matériel. Mais sûr le plan sportif, ça n'a rien changé. La preuve l'an dernier, j'ai fait ma meilleure saison jusqu'ici. Chez Red Moto, c'était un peu no limit en moyens. Chez Sherco avec Azzalin c'était plus familial et très pro, et chez Oxmoto, ça se met en place petit à petit. Antoine fait le maximum pour son équipe, pour qu'il y ait une belle image. Ça évolue de saison en saison, c'est de plus en plus carré et c'est pour ça qu'on fait de bons résultats. Il ne me met pas de pression, je me la mets tout seul, j'ai juste envie de gagner, c'est mon métier, je suis là pour ça.

J'ai eu la chance d'apprendre à régler mes motos quand j'étais chez Sherco, il y avait de bons ingénieurs, et ça me sert toujours. Chez Honda, on ne pouvait pas faire évoluer la moto, difficile de faire changer la moindre chose. Et là chez Beta-Oxmoto, j'ai demandé un moteur de telle façon et je l'ai eu. J'ai une moto au point. L'usine m'envoie des pièces si j'en ai besoin et je travaille avec mon mécano pour ce qui est châssis. Le team se donne à fond. L'usine Beta finance ma saison et comme j'ai fait une bonne saison l'an dernier, j'ai signé un bon contrat. Je ne dois pas être si loin que ça d'un pilote officiel de marque. »

Hugo Blanjoue - pilote Élite Factory-Honda

Tu as eu des contrats d'importateurs par le passé et tu roules désormais pour un concessionnaire. Est-ce dévalorisant ou au contraire tout aussi intéressant ?

« Ce type de contrat a relancé ma carrière en 2021. Pour moi, ça ne change rien, Élite Moto prend en charge à peu près tout. Je me sens plus proche du marché moto. Il y a un impact direct entre ce que je fais et les magasins. On échange beaucoup avec Jacques (Delbert, boss d'Élite Factory, NDR) et je me rends compte de bien plus de choses. Financièrement, je suis bien partout, je n'ai que des avantages aujourd'hui. Ce qui me manque cette année, c'est qu'on part de zéro avec Honda. On manque de développement des motos, tout est nouveau.

Et pour ça, il faut du budget. Parce que le développement, ça prend du temps et le temps, c'est de l'argent ! J'ai toujours un mécanicien à l'année, mon fidèle Flo, et là on est en train de voir si je peux avoir Jérémy Tarroux à mes côtés sur tout le championnat de France. Ce qui implique des frais supplémentaires. Disons que si j'étais chez Honda Red Moto, le team officiel Honda en Italie, il y aurait plus de moyens pour le développement des motos, mais pour le reste, je suis très bien chez Élite Moto. »

 

 

 

 

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