Il y a 27 ans…. Demaria fait sauter la banque en Indonésie !

Des coups d'éclat, la carrière d'Yves Demaria en regorge. Passé maitre dans le retournement de situation, Téfli a plus d'une fois pris son monde de court en rebondissant quand on ne l'attendait pas forcément. De tous ses coups d'éclat, le plus 'fumant' date sans sans aucun doute du GP d'Indonésie 97, quand il claqua un doublé d'anthologie alors qu'il n'avait encore jamais mis son fessier sur la 250 Kawasaki usine !

Flash back. Nous sommes en 1995, et au terme du GP de Suisse ou il a signé un superbe doublé voici le Marseillais aux commandes du Mondial devant Stefan Everts, qui vient de signer pour Jan de Groot qui s'occupe du team officiel Kawasaki. Quatrième GP de la saison à Maggiora, Moore gagne la première manche et emmène un triplé Yamaha en s'imposant devant Andrea Bartolini déchainé sur ses terres et Yves qui creuse l'écart au championnat suite à l'abandon de Stefan. La seconde manche sera hélas fatale a notre homme, qui se brise la jambe et voit sa saison stoppée brutalement. Yamaha et Rinaldi le prolongent pour la saison suivante, qui sera compliquée pour les deux parties, incapables de lutter avec Everts passé chez Honda, Bervoets et Vohland. Quatrième du Mondial avec une valise de retard sur ses adversaires (390 points pour Stefan, 253 pour Yves qui échoue à plus de 90 points du podium), Yves voit rouge et décide de rouler Honda la saison suivante. Il signe donc pour la saison 97 avec Paolo Martin qui aligne dans son propre team cette toute nouvelle CR250R a cadre aluminium, une machine dont disposent également Stefan Everts et Joakim Karlson (avec l'aide du HRC dans le team monté par Dave Grant) mais aussi Pit Beirer (dans le team Pamo).

Il claque la porte

Pour diverses raisons l'affaire se passe mal, à tel point qu'au soir du onzième GP au Venezuela ou il n'a encore une fois fini qu'une manche Yves claque la porte et se retrouve à la rue. « Fin 96 j'avais refusé un contrat usine chez Yamaha et Rinaldi, parce que je voulais à tout prix rouler sur une Honda et j'ai signé avec Paolo Martin. Ça a tenu six mois, mais au soir du Venezuela j'ai claqué la porte, je n'en pouvais plus et je ne voulais plus continuer ainsi. Je me suis débrouillé pour trouver des solutions car trois semaines plus tard il y avait ce Grand Prix en Indonésie ; j'ai trouvé une Honda, j'ai rappelé le gros Bud pour qu'il vienne me faire la mécanique, j'avais trouvé des pneus chez Dunlop, le système D quoi. Je m'étais organisé comme un amateur, mais j'y croyais » se remémore Yves qui à quelques jours du départ reçoit un coup de fil bénit. « Coup sur coup Jan de Groot venait de perdre ses deux pilotes, puisque Fred Bolley et Seb Tortelli s'étaient blessés au Venezuela si bien que Jan se retrouvait sans pilotes alors que ses deux Kawasaki usine étaient déjà partis en Indonésie. Trois jours avant de partir en Indonésie, soit le vendredi de la semaine précédente, je reçois donc cet appel de Jan. Je ne parlais quasiment pas un mot d'anglais, mais dans notre échange je comprends qu'il y a une possibilité de rouler Kawa puisque les motos de Fred et Seb étaient déjà là bas, » poursuit notre homme. Mais en homme très réglo Jan ne voulait surtout pas de problème avec Honda, et il demande à Yves un document officiel venant des rouges et confirmant qu'il est libre de tout contrat. « En fait j'avais aussi un contrat avec Honda France pour rouler en championnat de France, et j'ai appelé Bernard Rigoni pour lui expliquer la situation. Très sportivement il m'a libéré, en tant qu'ancien pilote il a vite compris la situation dans laquelle je me trouvais. »

Un dico sous le bras

Le mardi, j'embarque avec tout le monde dans le même avion, puisque depuis le début de l'année la société Action Group a pris en main le Mondial 250 après que Giuseppe Luongo ait acheté les droits à la FIM. Alors que tout le monde se débrouillait dans son coin jusque là, le nouveau promoteur a choisi d'apporter une aide en s'occupant de l'aspect logistique des choses. On se retrouve avec Yves à Roissy, en route pour un long voyage qui va permettre à notre homme de parfaire ses connaissances dans la langue de Shakespeare. « J'ai acheté un dictionnaire d'anglais pour apprendre un minimum de mots dans l'avion, je partais tout seul à l'aventure avec mon sac et mes vêtements. Je suis arrivé au circuit sans jamais avoir essayé la moto, j'avais juste participé à un essai comparatif presse dans l'hiver pour Moto Verte, » confie Yves qui débarque donc à Jakarta sans vraiment savoir ou il met les pieds. Tout le monde monte dans le bus pour rejoindre Bandung, situé à 150 km de la capitale Indonésienne. Alors que les trois précédents GP 125 s'étaient disputés dans la banlieue de Yogyakarta, c'est sur un nouveau circuit vallonné que se pose le Mondial 250. Vendredi, toute la colonie Européenne découvre les lieux et procède aux premiers repérages pendant que Yves fait plus ample connaissance avec Jan et le mécanicien affecté à Bolley puisque c'est la moto de son grand rival qu'il va piloter. « Sur place j'ai récupéré la moto de Fred, on a mis le guidon que j'avais amené dans mes bagages et on est allé sur la piste d'essais pour régler la moto et basta. Je roulais Bridgestone chez Paolo mais je me suis de suite trouvé bien sur les Dunlop, normal puisque j'avais toujours roulé Dunlop. Je me suis retrouvé dès le premier essai avec une moto extraordinaire, je sortais de six mois difficiles avec la nouvelle Honda et les tensions avec Paolo et je me suis de suite senti bien sur la moto. J'avais envie de rouler, j'avais une grosse motivation car je savais bien que je tenais là une vraie chance de relancer ma carrière. »

Un doublé d'anthologie

Un Demaria motivé, on savait ce que cela pouvait donner à l'époque. Dès la première séance d'essais, c'est son nom qui s'affiche en haut des écrans. Et rebelote aux essais chronos ! Arrive la première manche, Yves prend rapidement la tête et signe son premier succès de l'année, le premier depuis tout juste un an. Scénario identique en seconde manche puisque personne n'arrive à suivre la Kawasaki #4 qui signe le doublé, avec le record du tour en poche. Pour Yves qui n'avait plus gagné depuis le GP de San Marin l'année précédente, c'est le jackpot ! « Ni Jan ni moi n'avions le choix avant ce GP, il n'avait pas de pilote et je n'avais pas de moto, on était fait pour s'entendre ! Le courant est de suite passé, c'était quelqu'un de très simple et de très humain. Tout le monde dans le team a joué le jeu, et comme d'entrée de jeu on a gagné cela a arrangé les choses.Au départ Jan m'avait signé pour deux courses car Fred devait revenir assez vite, mais au soir de l'Indonésie il m'a proposé d'aller jusqu'à la fin de saison puisque Sébastien n'allait pas revenir de l'année. Et comme les derniers GP se sont globalement bien passés il m'a ensuite signé pour 98, une saison qui fut plus compliquée avec une nouvelle moto, » poursuit Yves dont la carrière aura une nouvelle fois rebondit le temps d'une course. Sur le podium, il prendra le temps de savourer ce succès. « C'était un beau GP, un circuit magnifique, rapide avec de gros dénivelés, tout ce que j'aimais. Une bonne moto, les bonnes personnes, cela suffisait. Sur le podium j'avais un sentiment de fierté, c'était une belle récompense ; j'avais travaillé dur pour y arriver avec Paolo, moi je n'étais pas content de la moto, lui disait que c'est de moi que venait le problème alors forcément quand tu es sur la plus haute marche tu savoures !C'était une revanche sur l'année 96, une saison difficile avec Yam,» dit Yves tout sourire en évoquant ce souvenir fort qui lui aura permis de se relancer. « Je signe le meilleur temps des deux séances d'essai, je gagne les deux manches avec le record du tour, rien ne pouvait m'arriver. On sait que dans le sport de haut niveau l'impact psychologique est énorme, là je m'étais senti pousser des ailes comme jamais ! »

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