La Yamaha R1 en 6 générations : 2009, la M1 pour tout le monde (5/6)

La Yamaha R1 est née il y a 25 ans. C'est elle qui, en 1998, a bouleversé l'ordre établi en ouvrant l'ère des sportives toujours plus radicales. À travers 6 générations de R1, on retrace l'évolution de cette sportive qui, au-delà de ses seules performances, a su marquer les esprits par des choix esthétiques et technologiques toujours très affirmés.

Après les évolutions de 2007, la R1 repasse aux fourneaux pour une refonte totale en 2009. Il en ressort une sportive qui ne ressemble plus à aucune autre. Du moins à l'oreille. Yamaha importe en effet de sa M1 de MotoGP un vilebrequin au calage unique : le Crossplane (voir Son truc technique). De quoi se prendre pour Valentino Rossi sur ce quatre en ligne qui sonne comme un V4. Cette révolution architecturale cache bien d'autres remaniements dans le bloc. Les cotes moteur évoluent encore un peu plus loin dans le supercarré, l'alésage gagnant 1 mm et la course rétrécissant d'1,4 mm. De quoi permettre en théorie des régimes encore plus élevés, à ceci près que par nature, le vilebrequin Crossplane est plus lourd et moins rigide. D'autant que le décalage des manetons impose l'ajout d'un arbre d'équilibrage qui alourdit lui aussi le bloc.

L'allumage est lui aussi plus complexe pour suivre les cycles indépendants de chaque cylindre. Pour améliorer le fonctionnement à haut régime, on note l'apparition d'injecteurs "douche" dans la boîte à air en complément des injecteurs sous les corps de papillon. Le système d'admission à longueur variable YCC-I est reconduit tout comme la commande de papillons électronique YCC-T. En revanche, la valve à l'échappement Exup disparaît, deux ans après l'abandon de la culasse à 5 soupapes par cylindre. Tout ce qui définissait la mécanique des premières R1 s'en est donc allé, mais Yamaha le fait oublier avec une nouvelle identité mécanique encore plus forte. Plus sophistiqué que jamais dans son architecture, ce moteur Crossplane unique en son genre est aussi sous contrôle total de l'électronique. La R1 propose d'ailleurs pour la première trois modes moteur qui correspondent à des lois de commande différentes entre la poignée de gaz et la rotation réelle des papillons d'admission.

À tout nouveau moteur, toute nouvelle partie cycle ! Le cadre en aluminium s'éloigne des poutres précédentes pour ressembler à une serre d'aigle qui s'empare du moteur, lequel joue à nouveau un rôle dans la rigidité d'ensemble. Yamaha recourt à des procédés de fonderie différents pour obtenir des rigidités variables aux divers endroits du cadre (moulage par gravité pour la colonne, moulage sous pression pour les flancs). La boucle arrière est quant à elle en magnésium (métal en- core plus léger que l'aluminium) pour compenser l'embonpoint du moteur Crossplane.

Le bloc est d'autre part redressé et avancé dans le cadre. Il laisse ainsi la possibilité d'allonger un peu plus le bras oscillant pour améliorer motricité et stabilité. Ce repositionnement laisse aussi davantage d'espace pour le réservoir d'essence dans sa partie basse, affinant d'autant la partie haute. L'ergonomie de la moto évolue significativement, avec une position plus groupée et plus proche de la colonne de direction. Côté équipement enfin, l'amortisseur gagne un réglage hydraulique en compression qui distingue les hautes et les basses fréquences. Quant à la fourche, elle répartit désormais les réglages hydrauliques de détente et de compression entre les deux tubes. Les étriers à 6 pistons sont toujours de la partie.

Son truc technique

Le calage Crossplane

Directement hérité de la Yamaha M1 de MotoGP, le quatre-cylindres en ligne Crossplane consiste à décaler les manetons du vilebrequin à 90° au lieu du calage classique à 180°. Les combustions du moteur ne sont alors plus également réparties (une combustion tous les 180° du vilebrequin) mais irrégulières. Toutes les combustions se produisent à un peu plus d'un tour (dont deux combustions très rapprochées, de 90°) avant de laisser un temps mort de 270°. Pour un pilote du niveau de Valentino Rossi, cette configuration apporterait deux avantages. Le premier, c'est qu'en ménageant au pneu un temps mort de 270° sans combustion, le moteur Crossplane améliorerait la motricité. Le second tient à un phénomène plus complexe. Dans un moteur en effet, le couple transmis à la roue n'est qu'une valeur moyenne. Ce couple oscille en réalité largement en instantané. Chaque combustion correspond évidemment à un pic de couple. Mais il existe aussi des pics et des creux de couple instantanés liés à l'inertie de l'embiellage et des pistons. Or sur un 4-cylindres classique calé à 180°, tous ces pics et creux de couple lié à l'inertie se cumulent par paire, à une fréquence de 180°, calqués sur les pics de couple liés aux combustions d'ailleurs. Il en résulte qu'à haut régime, les couples d'inertie instantanés augmentant, le couple instantané lié aux combustions sont de plus en plus "noyés dans la masse". En clair, on ressent moins le couple que l'on commande à la poignée de gaz. Le 4-cylindres Crossplane offre à l'inverse une sensation de contrôle plus directe du couple de combustion. Parce que les pics et creux de couple d'inertie instantanés sont davantage répartis, tous les 90°. Chaque combustion peut ainsi prendre plus d'importance par rapport au couple d'inertie, y compris à haut régime. Pour le péquin moyen, il va sans dire que ces deux avantages tiennent plus de la fiction que du ressenti. Il n'empêche, le Crossplane séduit les amateurs par sa bonne connexion à la poignée, mais aussi et surtout, par sa sonorité rauque de MotoGP... ou de Honda VFR 800 (les deux motos offrent strictement le même ordre d'allumage : 180°-90°-180°-270°).

[caption id="attachment_671316" align="alignleft" width="1200"] Une paire de phare emplace les quatre précédemment utilisés, grâce à un nouveau mécanisme de passage des codes aux phare. Notez aussi la disparition de la vitre de phare, les prises d'admission d'air étant située juste à côté des lentilles.[/caption]

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