Aloisa Ruf : une nouvelle vision pour l'héritage familial

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À Pfaffenhausen, le nom Ruf est synonyme de performances hors normes. Mais c'est aussi celui d'Aloisa Ruf, héritière d'une famille qui a transformé un simple garage bavarois en une marque mondialement respectée. Aujourd'hui, la jeune femme écrit un nouveau chapitre de cette histoire.

« L'atelier a toujours été comme une deuxième maison », confie Aloisa à la version britannique d’Octane, le sourire aux lèvres, lors d'un appel vidéo. Chaleureuse, passionnée et éloquente, la jeune femme de 23 ans a grandi au cœur de l'univers automobile. Un environnement qui semblait presque naturel, vu son patronyme.

« Petite, j'étais en quelque sorte la mascotte de l'entreprise sans même m'en rendre compte. Je connaissais tous les fournisseurs et de nombreux clients », raconte-t-elle.

Grandir à Pfaffenhausen, berceau de la marque Ruf, a de quoi faire rêver n'importe quel passionné d'automobile. Fondée en 1939 par Alois Ruf Sr, l'entreprise était à l'origine un simple garage avant de devenir une station-service en 1949. Mais très vite, son fondateur élargit ses ambitions et conçoit un autocar en 1955, donnant naissance à une activité parallèle. À son décès en 1974, son fils Alois Jr prend les rênes et insuffle une nouvelle dynamique à l'entreprise, en s'attaquant à l'amélioration des Porsche 911. Dès 1975, Ruf commence à proposer des préparations spécifiques, avant de dévoiler en 1977 son premier modèle entièrement conçu en interne : une 911 Turbo équipée d'un flat-six 3,3 litres.

En 1981, la marque est officiellement reconnue comme constructeur par les autorités allemandes. Mais c'est en 1987 qu'elle entre dans la légende avec la Ruf CTR « Yellowbird », une voiture devenue mythique après un tour époustouflant du Nürburgring filmé pour la VHS Faszination. Avec une vitesse de pointe de 339 km/h, c'était alors la voiture de route la plus rapide du monde.

Une passion ancrée depuis l'enfance

Chez les Ruf, la passion automobile est une affaire de famille. « Mon premier coup de cœur, c'était sans doute la Porsche 901 bleu Bali de mon père. Chaque printemps, il la sortait de sa collection pour une balade dominicale, et bien souvent, je m'endormais à l'arrière », se souvient Aloisa avec tendresse.

Mais c'est à l'adolescence qu'elle prend véritablement conscience de la renommée de son père. « J'avais 12 ou 13 ans, on rentrait de Pebble Beach et un homme l'a abordé à l'aéroport en lui demandant s'il était bien le monsieur Ruf, créateur de la Yellowbird. Mon père a répondu oui, et l'homme a immédiatement sorti un t-shirt Ruf de son sac pour l'enfiler avant de prendre une photo. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé qui il était vraiment. »

Pourtant, sa trajectoire au sein de l'entreprise n'était pas écrite d'avance. Passionnée d'art et de photographie, Aloisa explore d'autres horizons. « À l'adolescence, j'ai voulu tester autre chose, découvrir d'autres univers. C'est ce qui m'a menée vers l'art et la mode. »

Mais son lien avec l'automobile n'a jamais été rompu. À 17 ans, elle se lance dans la restauration de sa propre voiture : une Porsche 912 surnommée « Bertha », en hommage à Bertha Benz. « J'ai demandé à mon père quelle serait ma première voiture. Il m'a répondu : Celle que tu seras capable de remettre en état. C'était un vrai défi, mais aussi une belle opportunité d'apprendre. »

Aux côtés de son cousin, elle s'attelle à la tâche dans l'atelier de restauration de Ruf, tout en mettant la main à la pâte sur d'autres projets. « J'aidais aussi sur des moteurs, c'était important pour moi de comprendre chaque détail et de ne pas avoir peur de me salir les mains. »

Entre art, mode et automobile

Après le lycée, Aloisa poursuit sa passion pour la photographie et part travailler dans l'univers de la mode, jusqu'à la Fashion Week de Paris. Mais la pandémie bouleverse ses plans et la ramène vers le monde automobile. « Quand la Covid est arrivée, je n'avais plus personne à photographier. Alors, je suis rentrée à la maison et j'ai recommencé à travailler dans l'atelier. C'est là que j'ai réalisé à quel point les voitures pouvaient être fascinantes à capturer. »

Petit à petit, elle fait le lien entre ses deux univers. En 2020, elle lance sa propre activité et commence à vendre ses tirages artistiques. Le succès est immédiat. « J'ai eu des expositions à Los Angeles, Miami, Munich et Bahreïn, et une autre est prévue cette année. »

Son regard artistique influence désormais directement le travail de Ruf. « Mon père est un ingénieur dans l'âme. Moi, j'apporte une touche plus esthétique. Par exemple, j'ai participé aux choix des couleurs et des finitions du Ruf CTR Anniversary et du Ruf Rodeo, notre tout-terrain inspiré par Ralph Lauren et l'expérience américaine de ma mère. »

Aujourd'hui, elle poursuit un Master en Art Business, avec le soutien de ses parents. « Ils me font confiance et j'ai beaucoup d'idées en tête. Certaines seront dévoilées cet été à Monterey. »

Une vision pour l'avenir de Ruf

Monterey Car Week 2024 a marqué un moment fort pour la famille Ruf : la restauration d'une Porsche 901 de 1963, anciennement propriété de Ferdinand Piëch, a remporté le Best in Class et l'Art Center Award au Concours d'Élégance de Pebble Beach. « C'était la première voiture de mon frère. Sa restauration a été un projet de longue haleine, et voir la voiture honorée à Pebble Beach, entourée d'icônes automobiles, c'était un moment inoubliable. »

Cette immersion dans les cercles les plus prestigieux de l'automobile lui a aussi permis de découvrir d'autres facettes de cette culture. « J'ai toujours été fascinée par les concept-cars et leur vision du futur, mais vivre à Los Angeles m'a aussi fait découvrir la culture Lowrider. L'attention portée aux détails, la dimension artistique… C'est incroyable. »

Malgré cette ouverture à d'autres influences, Porsche et Ruf restent au cœur de sa passion. « Je n'ai pas encore de Ruf à moi, mais j'y travaille ! Si je devais en choisir une aujourd'hui, ce serait la CTR Anniversary. Avec 710 ch pour 1 200 kg, elle donne l'impression de voler. Pas d'aides électroniques, juste du pur plaisir de conduite. »

Mais au-delà de la performance, Aloisa veut insuffler un nouvel élan à la marque. « Nous avons de nombreux projets en cours, et nous envisageons d'augmenter légèrement la production au-delà des 30 voitures annuelles. J'aimerais aussi développer notre relation avec les clients et intégrer Ruf dans la pop culture. La nouvelle génération doit pouvoir découvrir la marque, comme l'ancienne l'a fait grâce à Gran Turismo. »

Une première étape a été franchie avec la collaboration avec Highsnobiety, qui a permis de voir des vêtements Ruf portés à la Fashion Week. « Les gens ne connaissaient pas Ruf, mais ils aimaient le style. C'est une porte d'entrée vers notre univers. »

Fidèle à l'héritage familial, Aloisa apporte une vision nouvelle, mêlant performances, design et art. Avec elle, l'avenir de Ruf s'annonce aussi audacieux que son passé.

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