Plaidoyer de Luca de Meo pour Alpine : suivre une logique financière

Etant donné la vague de réprobation de la part des anciens et actuels collaborateurs de l'usine de Viry-Châtillon, les explications du CEO de Renault Luca de Meo étaient très attendues.

C'est à nouveau L'Equipe qui fait office de média de référence, le quotidien sportif ayant décroché l'interview du dirigeant italien pour qu'il puisse s'exprimer longuement sur la décision prise par le directoire du Groupe.

S'il reconnaît la difficulté émotionnelle à gérer une telle situation, de Meo souligne aussi la nécessité de trancher dans le vif pour des raisons essentiellement économiques tout en préservant l'outil et le personnel.

Un crève-cœur

"C’est un sujet sentimental, y compris pour moi, a-t-il indiqué d'emblée. Je suis très passionné et c’est un crève-coeur. Cette décision résulte de mois et de mois d’observations. Je voudrais dire à quel point j’admire l’engagement et la ténacité des gens de Viry-Châtillon. Et je sais qu’ils vont demain imprimer cet état d’esprit dans les nouveaux projets qui attendent leur entité. Je regrette de les voir aussi déçus de cette décision, mais malheureusement dans mon job, je ne peux pas réfléchir comme un fan."

"Je suis un manager, souligne-t-il. Je gère une entreprise cotée en bourse. Et je dois repenser le projet F1 pour enfin gagner. Je cherche donc les raccourcis pour y parvenir. Là, Alpine est devenue invisible. Encore deux ans comme ça et le projet se dégonflerait complètement. On est depuis trois saisons sur une pente descendante. Il fallait stopper l'hémorragie et secouer tout ça. Avec en parallèle une logique financière."

Des coûts exponentiels

"Les fans, à l'exception de quelques puristes j’en conviens, et les sponsors viennent pour une écurie, pas pour un moteur, estime le patron. Les partenaires signent avec McLaren, pas avec Mercedes sous le capot. Le public de la F1 a changé. Il s’est élargi auprès des jeunes, des femmes. Cette nouvelle clientèle a une autre lecture de ce sport."

"De plus, les coûts de développement sont devenus exponentiels, jusqu'à 250 millions d'euros pour 2026, alors qu'un moteur client, c’est moins de 20 millions par an, analyse-t-il. On se devait donc de prendre cette décision. C'est ma responsabilité de gestionnaire d'obtenir le meilleur ratio coût/performance, mais cela ne signifie pas pour autant un désengagement de notre part."

Aucune intention de vendre

"Je reçois tous les 15 jours des appels de financiers, d’excentriques qui veulent entrer en F1 et racheter notre écurie, témoigne encore de Meo. Ils savent qu’après 2026 ça va coûter bien plus cher. Si on te donne 1 milliard aujourd’hui pour prendre une équipe, ils pourront la revendre le double deux ans plus tard."

"C’est plein de spéculateurs ici, observe-t-il. J’ai refusé cinquante fois un rachat. Un team de F1, ça vaudra bientôt entre 3 et 5 milliards. Je ne vais pas vendre, je ne suis pas bête. Être en Formule 1, c’est essentiel pour la marque Alpine. On est dans le club fermé. Ça crédibilise la marque auprès des passionnés d’automobile."

"Celaconcourt à la valorisation financière du groupe, conclut-il. Quand on m'a présenté l'activité F1, c'était une ligne de coût dans le budget marketing. J'ai déjà cristallisé 1 milliard de valeurs. C'est déjà pas mal, non ? Ça aide aussi à valoriser l'action de Renault. Pas question donc de vendre les bijoux de famille."

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