
Suspicion d'escroquerie : une Porsche vendue 730 000 euros au centre d'une affaire judiciaire

Aujourd'hui à 04:30 AM
Une transaction suspecte autour d'une Porsche de collection met en cause un garage du Bassin d'Arcachon, visé par une enquête pour escroquerie.
Un collectionneur luxembourgeois accuse l'établissement de "tromperie" après avoir découvert que son véhicule, acquis à un prix somme toute conséquent, ne serait qu'une réplique.
Une vente sous haute tension
En 2015, un homme d'affaires ayant fait fortune dans la promotion immobilière s'offre une Porsche Carrera 911 2.7 RS Touring de 1973, un modèle mythique reconnaissable à son aileron en "queue de canard". La voiture est présentée comme un véhicule d'origine, avec des numéros de série identiques sur ses principales pièces (“matching numbers”). Pour cette rareté, l'acquéreur débourse la somme de 730 000 euros, dont 260 000 euros en espèces.
Cependant, en 2018, pris d'un doute, il fait examiner le véhicule par le cabinet d'expertise allemand TÜV. Le verdict est sans appel : la voiture est une réplique et ne présente pas de numéros de série concordants, ce qui la rend bien moins rare et donc bien moins précieuse.
Des accusations et une enquête en cours
Se sentant trompé, le collectionneur exige des explications du garage avant d'entamer une procédure civile en justice et de déposer une plainte pénale en 2019 au parquet de Bordeaux. "Vous avez acheté une Mercedes, on vous vend une 2CV !" s'insurge son avocat, Me Renaud Semerdjian, dénonçant une escroquerie manifeste.
L'affaire se corse lorsqu'un pré-rapport d'expertise révèle qu'un modèle similaire mais non "matching numbers" aurait une valeur marchande d'environ 100 000 euros, soit sept fois moins que le prix payé. Le plaignant réclame ainsi le remboursement de son achat ainsi qu'une indemnité de 93 000 euros.
Une défense qui contre-attaque
De son côté, l'avocat du garage, Me Étienne Riondet, minimise les faits, qualifiant l'affaire de "banalité affligeante" pour un véhicule de plus de 50 ans. "On dit : la voiture a 60 ans mais il y a un truc de travers. Ben oui, il y a des trucs de travers !", argue-t-il, justifiant les modifications apportées par l'ancienneté du véhicule.
Il remet également en question la notion de "matching numbers", affirmant que le code civil ne reconnaît pas cette appellation comme critère juridique de tromperie. Par ailleurs, il souligne que le paiement d'une partie de la somme en espèces contrevient à la législation française, suggérant que les deux parties pourraient avoir une responsabilité partagée.
Un garage au passé trouble
L'affaire prend une tournure encore plus complexe avec la révélation du passé judiciaire du garage. Celui-ci a déjà été condamné pour "dol" – une pratique consistant à tromper un acheteur par des mensonges ou des dissimulations. En 2022, la cour d'appel de Bordeaux avait ainsi confirmé que le garage avait volontairement caché à un concessionnaire finlandais qu'un véhicule vendu n'était pas matching numbers.
De plus, la structure juridique du garage, ayant eu pour actionnaire jusqu'en 2010 une société basée au Luxembourg et elle-même liée à des entités enregistrées aux Seychelles, ajoute une ombre supplémentaire au dossier.
Une audience technique tenue le 18 février dernier au tribunal judiciaire de Bordeaux a abouti à la commande d'un rapport d'expertise final, sans attendre les démarches supplémentaires demandées par la défense. Pendant ce temps, l'enquête pénale pour escroquerie, ouverte depuis 2019, est toujours en cours. Aucune mise en examen n'a été prononcée à ce jour.