
Chez Ferrari, Hamilton bute sur un mal bien connu

Hier à 08:05 AM
Le bilan est sans appel. Hormis en Chine (où son équipier a toujours souffert), Lewis Hamilton a toujours été battu par Charles Leclerc depuis le début de la saison dans l’exercice du tour chronométré. À l’échelle de la F1, les chiffres sont accablants : 0”22 de retard en Australie, 0”31 au Japon, 0”59 à Bahreïn et 0”53 en Arabie saoudite.
À Djeddah, Hamilton a franchi la ligne d’arrivée avec près de 31 secondes de retard sur son voisin de garage, le plus grand écart entre équipiers. Une véritable traversée du désert :
“J'ai du mal à ressentir la voiture. Malheureusement, il n'y a rien de particulier., rien que je puisse pointer du doigt en disant : ‘Hé, c'est ça le problème’.”
“Charles a prouvé que la voiture était capable d'être en troisième position. Je ne peux donc pas rejeter la faute sur la mécanique. C'est juste moi. Je n'arrive pas à m'adapter à la voiture en ce moment.”
Pourquoi Hamilton peine-t-il au volant de la Ferrari ?
Pourquoi Hamilton ne parvient-il pas à exploiter la Ferrari aussi bien que son équipier ? Deux hypothèses viennent à l’esprit.
Premièrement, le Monégasque, en rouge depuis six saisons, connaît le fonctionnement des bolides de Maranello sur le bout des doigts, ce qui n’est pas encore le cas du Britannique. Et quand le châssis n’est pas à son goût, Leclerc parvient à trouver des réglages qui la rendront plus rapide, quitte à changer sa façon de piloter.
C’est la deuxième hypothèse : Leclerc fait montre d’une capacité d’adaptation que Hamilton possède sans doute de moins en moins l’âge avançant. Sans sombrer dans le jeunisme, les pilotes plus expérimentés sont plus sclérosés, moins ouverts d’esprit que les jeunes pousses qui ont moins de bagage.
L’intéressé en est conscient :
“Il [Charles] conduit cette voiture depuis longtemps, il la connaît donc vraiment bien. Il n'y a pas d'énormes différences dans les données. C'est juste que… je suis plus lent dans les virages.”
“Nous avons des set-ups légèrement différents. Je dois voir si ces réglages correspondent à ce que la voiture préfère. Lui et ses ingénieurs font manifestement un meilleur travail.”
Alors que Leclerc a expérimenté des réglages qu'il qualifie lui-même d’“extrêmes” et que sa voiture fonctionne correctement en termes d'équilibre, même si elle manque encore de vitesse, Hamilton, lui, a encore du pain sur la planche. Mais cette situation, en partie prévisible, n’a-t-elle pas un goût de déjà-vu ?
Une incompatibilité profonde…
Rappelez-vous : l’an passé, Hamilton avait été battu en qualification par son équipier pour la toute première fois en 19 ans de carrière en Grand Prix (19-5 en faveur de George Russell).
Les difficultés actuelles ne concernent pas son passage chez Ferrari, puisque les problèmes étaient les mêmes la saison dernière. Depuis 2022, Lewis a du mal à tirer le meilleur parti de la voiture lorsqu'il doit la piloter à la limite en qualifications et qu’il la pousse trop loin en entrée de virage :
“Les tours de Q3 sont plutôt mauvais, admet-il. Ce sont mes pires tours en ce moment, donc je dois travailler là-dessus.”
… mais pas nouvelle
Après Bahreïn, le pilote de la Ferrari n° 44 était pourtant optimiste car il pensait avoir trouvé comment ajuster son pilotage. De ce point de vue, ses déclarations d’avant course à Djeddah éclairent les efforts qu’il doit déployer pour piloter autrement :
“Si vous regardez mon style de conduite, en particulier en 2020, 2021 et avant, il fonctionnait bien avec les voitures de cette époque.”
“Ce style de conduite [celui adapté aux voitures à effet de sol], peut-être que les autres l'ont déjà, comme Charles. Cette façon de piloter est tout à fait nouvelle. C'est comme si, naturellement, lorsque la pression s'accumulait et que vous aviez besoin d'un peu plus de temps, vous pouviez retomber facilement dans vos vieilles habitudes.”
Les “vieilles habitudes” du pilote anglais, qui fonctionnaient à merveille jusqu’en 2021, peuvent se résumer à une tendance à freiner tard et très fort, à charger les pneus avant alors que la voiture avance, à placer la voiture dans le virage très tôt, puis à utiliser la rotation du train arrière pour aider la voiture à tourner sans qu'elle ne dérape. Un style compliqué, mais dans lequel la précision et le feeling du septuple Champion du monde lui ont permis de s'épanouir.
Les voitures à effet de sol actuelles roulent beaucoup plus bas (avec une hauteur de caisse très basse imposée par la nécessité de maintenir la voiture dans la bonne fenêtre aérodynamique) et ne répondent pas bien à ce style de conduite, comme nous l’avons expliqué en détail ici.
Comme Verstappen et la plupart des autres pilotes, Leclerc a été l'un des plus rapides à s'adapter aux défis de ces voitures, en adaptant immédiatement son style de freinage (ce que son coéquipier d'alors, Carlos Sainz, mit du temps à comprendre au début du championnat 2022). Hamilton est en train de suivre un processus que son coéquipier a compris et terminé depuis longtemps. Pour compliquer les choses, il doit s'adapter aux disques Brembo, après avoir longtemps utilisé les produits Carbon Industrie chez Mercedes.
Une saison de souffrance et d’attente pour Hamilton ?
Jusqu’à présent, la Ferrari ne lui convient pas mieux que la Mercedes, preuve d’une incompatibilité manifeste. Visiblement découragé par sa dernière course, la nouvelle recrue de Maranello suggère qu’il n’est pas sûr de pouvoir rectifier le tir cette saison.
“En qualifications, il s'agit pour moi d'extraire de la performance. Dans la course d'aujourd'hui, j'ai vraiment tout essayé, mais la voiture ne voulait pas aller plus vite. Je pense que j'aurai aussi du mal à Miami.”
“Pour l'instant, il n'y a pas de solution. Ça risque de se passer comme cela pour le reste de l'année, ça va être pénible.”
La Formule 1 inaugurera un nouveau règlement l'année prochaine, et le contrat du Britannique couvre au moins une saison de cette nouvelle ère. De quoi espérer des lendemains qui chantent et éviter la malédiction des Champions du monde ayant rejoint Ferrari ?
“Pour être honnête, je ne sais rien de la voiture de l'année prochaine, a-t-il répondu à la question de savoir si les F1 2026 lui conviendraient mieux. Espérons que ce sera le cas. Avec moins d'effets de sol, j’espère que les choses changeront un peu.”
L’espoir fait vivre – mais pas aller plus vite.