
Parlons MotoGP : Ce phénomène est extrêmement inquiétant

Hier à 02:30 PM
On se souviendra du Grand Prix de Thaïlande 2025, ça ne fait aucun doute : première pole, victoire en Sprint et en GP de Marc Marquez avec Ducati Lenovo, quatrième, puis cinquième place d'Ai Ogura, la photo des deux frères Marquez sur le podium, la manière dont Marc a laissé passer Alex… oui, il restera des images. Mais quid du spectacle, quid de la course ? Un phénomène m'inquiète beaucoup en MotoGP et il ne fait qu'empirer.
Plus de duels
Devant le Sprint, j'étais choqué par les écarts. Depuis début 2023, ils ne cessent d'augmenter. D'une part, ceux qui gagnent le font régulièrement en solitaire, et, de l'autre, le peloton est totalement fracturé. C'est peut-être pour cette raison que l'on nous montre rarement les pilotes hors des cinq premières places. Marc Marquez s'est baladé tout le Sprint durant, et s'il n'avait pas laissé passer son frère pour éviter une pénalité dimanche, le résultat aurait été le même. Bagnaia, double champion du monde MotoGP, était incapable de rattraper Alex Marquez. Morbidelli, lui, était incapable de rattraper Bagnaia. Ogura, lui… vous avez compris. D'autant plus que personne ne semble en parler, mais le top 3 à l'arrivée dimanche était le même qu'en Sprint et en qualifications ! C'est extrêmement rare et relativement inquiétant d'après moi.
Comme l’a dit Bagnaia, Marc Marquez a joué avec ses adversaires. Photo : Michelin Motorsport
Petit quiz : selon vous, combien de pilotes ont terminé à moins d'une demi-seconde de ceux qui les précédaient à l'issue du Grand Prix ? J'ai choisi une demi-seconde car c'est symbolique, mais ça ne veut pas dire qu'un pilote est proche de dépasser à cette distance (il faut se tenir entre 0.3s et 0.2s derrière pour devenir réellement dangereux). Alors, une idée ? Dix ? Huit ? La réponse était… quatre ! Sur vingt pilotes classés, c'est maigre. Zarco a terminé septième à environ 0.3s de Bezzecchi, Bastianini neuvième dans la roue de Brad Binder, Quartararo 15e à quatre dixièmes d'Oliveira, et Chantra 18e à quatre dixièmes d'Alex Rins. C'est maigre, rachitique, même. D'autant plus qu'il arrive que les pilotes ralentissent à quelques mètres de l'arrivée, ce qui peut tronquer les résultats.
La raison inconnue
Pourquoi cela ? Beaucoup parlent de l'aérodynamique, qui, c'est vrai, est plus développée que jamais. L'air sale créé par l'appui aéro empêcherait les pilotes de se suivre de près : c'est ce que la physique dit. Pourtant, il existe plein de contre-exemples : Marc Marquez suivait Alex Marquez de très près quand il devait regagner de la pression. En 2022 et 2023, alors que l'aérodynamique était déjà très développée, nous avions de très nombreuses batailles qui se poursuivaient jusque dans le dernier tour ! Je pense à Misano, Aragon, au Sachsenring… nous retenions notre souffle. Historiquement, Buriram, par la simplicité de son tracé, est un terrain propice aux explications musclées – comme ce fut le cas en cette année 2023 d'ailleurs –, mais depuis un an, rien, ou presque !
🏁 #MotoGP RACE 🏁 @marcmarquez93 CLAIMS A DOMINANT FIRST WIN WITH @ducaticorse 🏆#ThaiGP 🇹🇭 pic.twitter.com/3Xu6XE5wfv
— MotoGP™🏁 (@MotoGP) March 2, 2025
J'ai l'impression que ce changement fut entamé début 2024. D'ailleurs, la saison passée, nous n'avons pas eu une seule bagarre pour la victoire entre les quatre protagonistes malgré leur talent et leurs motos similaires, voire identique, pour trois d'entre eux !
Une théorie
La majorité, qui fait le même constat que moi, pense que l'aéro est grandement responsable. Certains citent aussi les pneus. M'est venu une idée : et si nous prenions le problème à l'envers ? Et si le responsable, quel qu'il soit, n'empêchait pas les pilotes de se suivre, mais au contraire, les poussait à devenir encore plus forts, les rendre irrattrapables.
Je ne dis pas que les appendices aérodynamiques ne posent aucun problème, car des pilotes l'ont confirmé. Mais je pense qu'il ne s'agit pas de l'élément principal, car cette science était déjà largement développée en 2023 et nous avions un spectacle grandiose sur certaines manches. Je penche pour l'électronique, qui empêche de commettre des erreurs. On ne le voit pas, mais la compréhension des équipes concernant l'électronique progresse chaque année dans le but d'améliorer la performance globale des motos. Elle pourrait parfaitement limiter les erreurs, les ralentissements soudains, les petites corrections que l'on voyait par le passé, et contribuerait ainsi à rendre cette grille si parfaite qu'aucun ne pourrait se permettre de batailler ardemment avec celui qui le précède.
Je pense que Liberty Media ne veut pas d’une « F1.2 ». Donc j’ai bon espoir que les instances poussent en faveur d’un changement. Photo : Michelin Motorsport
Ce n'est qu'une théorie, qui m'est venue en étudiant les chronos de Marc Marquez pendant la course. Ils étaient extrêmement réguliers. Il y a quinze ans, seul Jorge Lorenzo était capable de telle prouesse, mais aujourd'hui, tous arrivent à faire vingt tours consécutifs avec un différentiel de ± 0.2s à chaque tour, même par cette chaleur ! D'ailleurs, l'apparition de l'ECU unique en 2016 permit de resserrer le peloton, de nous offrir des batailles somptueuses et des victoires surprenantes. L'électronique était au cœur du sujet, là encore. Elle est beaucoup plus difficile à accuser que l'aéro car les progrès qui lui sont inhérents sont totalement invisibles pour nous spectateurs. Les erreurs se font de plus en plus rares, tout comme les défaillances mécaniques.
Conclusion
Pour recouper avec l'aérodynamique, voici mes questions finales : et si les motos étaient conçues de manière à ce qu'elles ne puissent fonctionner à leur plein potentiel que seules en piste ? Ne faudrait-il pas, comme en Formule 1, durcir le règlement concernant le dégagement d'air sale ; comprenez, faire des règles pour rendre compétitives des motos capables de se battre entre elles ? L'esprit bagarreur des pilotes motos, historiquement plus exacerbé que ceux des pilotes de F1, atteint ses limites. Et l'histoire nous apprend que, quand la performance prend le pas sur le spectacle, alors il est temps de changer de règlement.
Tout ceci sera peut-être résolu en 2027, avec l'apparition de la nouvelle réglementation. Mais 2027, c'est dans deux saisons. Quand je vois comment Marc Marquez s'est amusé avec la concurrence, ou comment Bagnaia dominait l'année passée, je me demande ce que j'aurai à dire si quarante-cinq Grands Prix de ce genre nous attendent jusqu'à ce que ça change.
Je suis curieux d'avoir votre avis sur la question. Ma théorie tient-elle la route ? Dites-le-moi en commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et pas de l'entièreté de la rédaction.
Espérons que cette vision ne se prolonge pas trop longtemps. Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport
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