La mort de Yann Cadoret, fulgurance de l'enduro français…
Hier à 12:43 PM
Yann Cadoret me fait penser à Arthur Rimbaud. Une fulgurance, un poète aujourd'hui célèbre dans le monde entier, il écrit de sa quinzième à sa vingtième année. Puis il lâche la littérature après des chefs d'œuvre, « Le bateau ivre » « Une saison en enfer » « Le dormeur du val ». Et part à l'aventure. Mais il a choisi ses autres vies. Yann, non. Génie sportif de 14 à 20 ans, Cadoret est un enduriste surdoué, à une époque où les héros de l'enduro mondial étaient soit italiens, soit venant des pays de l'est, les soi-disant démocraties populaires ! Un enduriste, vers la fin des seventies, gagne juste des poignées de main en cas de victoire, Yann (en Bretagne on ne prononce pas « yanne » mais yan) n'a pas ce problème, ses parents sont ostréiculteurs dans un territoire d'excellence, on peut presque parler de terroir. Ce qui lui permet de démarrer très tôt, il roule dès l'âge de quatorze ans. Il décroche son premier titre de champion de France avec une dérogation lui permettant de courir à 17 ans. Il roule avec Joël Queirel (importateur KTM de l'époque) il le bat même. Yann arrive, jeune, explosif, bourré de talent. Le talent,avec en plus dix vannes à l'heure, des rigolades infinies, souvent avec ses parents, un brin de folie... un de mes amis m'a demandé un jour si Yann avait pu, au moins une fois, avoir peur. Pas sûr....
En revanche les enduristes de l'époque étaient d'accord à l'unanimité, ce mec avait du génie. Sa célèbre queue de cheval était une sorte de signe de ralliement.... A l'époque, l'enduro se jouait en spéciales mais aussi sur la liaison, pleine de pièges, ce que me racontent mes amis Claude de la Chapelle et aussi Charles Coutard, multiple champion de France de trial, qui a aussi été en début de carrière champion de France d'enduro. C'est dans les passages de franchissement de l'enduro que Coutard s'est passionné pour le trial ! Yann est promis à un avenir immense, il est pilote officiel Fantic, l'usine se trouve à Barzago, au nord de Milan.Il roule tout ce qui peut se rouler, le championnat de France, les ISDT, le Championnat d'Europe, la Baja 1000 au Mexique, le Paris-Dakar. En 1981, c'est en revenant de Barzago, où il a chargé deux motos d'usine, l'idée était de rentrer en Bretagne d'une seule traite, qu'au volant de son Dodge 300 M, Yann s'est endormi à quarante km de chez lui. La solidité de son van lui a sauvé la vie. Mais quelle vie ! Ses jambes ne fonctionnent plus. Pourtant, Yann refuse ce destin massacré. Il se fera construire un Mercedes 4X4 280 GE de 300 chevaux, modifié par Kempf en Alsace, avec lequel il roulera trois fois le Dakar ! Il gagne une course folle, l'Amerathon, un truc démentiel américain qui se roule sur 31 000 km ! Dans les années 90, il se passionne pour la course off-shore. Le voilà dans le monde des marins. Podium en championnat d'Europe, podium en championnat du monde... Son catamaran envoie 500 cv. Quand il est venu courir en baie de Quiberon, il m'a proposé de m'emmener... je confirme, lui toujours pas peur. Ensuite il s'est occupé de l'entreprise familiale, il s'est marié à 58 ans. Il a 64 ans quand l'Ankou passe le prendre pour l'emmener dans un monde où on s'en fout des jambes.